Un matin, je devais avoir environ 11-12 ans, mon père dit à ma sœur, à une amie et à moi: “Les filles, habillez-vous chaudement, on s’en va passer la Guignolée”. On savait c’était quoi, car à chaque année, on devait préparer un gros sac de trucs à manger pour remettre aux gens qui en avaient plus besoin que nous. Mais de là à se geler les fesses toute la journée pendant une tempête de neige, il y a une marge. Mais bon, selon mon père, on devait faire notre part. Ces gens ne l’avaient pas facile tout au long de l’année et là, nous avions l’occasion de faire la différence. Pendant que nous déballerons nos cadeaux en mangeant notre traditionnel repas du temps des Fêtes, ces gens auraient probablement peu ou pas de cadeau et un repas assez ordinaire.
Ok, on y va!
Je dirais que nous devions expliquer ce qu’était la Guignolée à près de la moitié des maisons. Je me souviens que ce qui m’enrageait le plus, c’était les gens bien nantis, qui nous répondaient: “On n’est pas intéressé” et nous refermaient la porte au nez. Aujourd’hui, je ne crois pas que ces gens étaient indifférents à la misère, mais plutôt que plusieurs n’avaient pas vécu de difficultés financières et les répercussions que cela pouvait avoir. Par contre, il y a sûrement eu une lacune au niveau de la sensibilisation à cette réalité.
Il y a quelques années, je travaillais au secondaire dans une classe T.E.D., comme on appelait à ce moment, ce qui consiste en une classe avec des élèves présentant un trouble du spectre de l’autisme. Bref, un défi que je m’étais donné était de les sensibiliser à aider les autres en récoltant des denrées non périssables à l’école afin de faire des paniers de Noël. Wow, quelle implication de leur part, certains ont fait des pancartes pour informer les autres élèves de l’école, d’autres ont emballé les cadeaux recueillis. On avait obtenu la liste de certaines de personnes démunies avec des informations comme l’âge et le sexe. Quelques-uns sont venus livrer avec moi ces paniers de Noël, sont entrés dans les maisons et ont été touchés par ce qu’ils ont vu, ressenti.
Aujourd’hui maman de trois enfants, je me fais un devoir de transmettre mes valeurs face au partage et à la générosité. Nous avons le pouvoir et le devoir d’aider les autres, profitons de cette chance. Tout petits, mes enfants devaient choisir dans l’armoire des choses à remettre lorsque les gens passeraient. Vous pouvez vous imaginer ce qu’ils choisissaient – des légumineuses, du poisson en conserve, bref, des trucs plates qu’ils n’aimaient pas. Refusés! Du Nutella, du sirop d’érable, de bons biscuits, de la compote, tes céréales préférées. La consigne : donne ce que TOI, tu aimerais avoir. Ce n’est pas facile de donner ce qu’on aime.
L’an dernier, pour la première fois, c’est moi qui ai dit aux enfants: “Go la gang, habillez-vous chaudement, on s’en va passer la Guignolée”. Sans trop savoir ce qui les attendait, ils se sont vêtus chaudement et on est parti. Ils sont passés par une panoplie de sentiments et d’émotions. Tout d’abord, ils ont chialé »fait froid, j’ai mal aux jambes, quand est-ce qu’on retourne à la maison? » Faut dire qu’ils sont pas mal plus jeunes qu’à ma première fois. Âgés de 4, 6 et 11 ans, ils étaient très fiers d’eux lorsqu’ils ont terminé. Notez qu’ils ont voté pour faire quelques rues de plus que ce qu’on avait comme trajet au départ. Cette année, c’est ma grande qui a pris l’initiative de s’assurer que je faisais les démarches pour recommencer l’expérience.
Vous avez déjà donné au supermarché, un petit effort de plus, peu importe, un tout petit quelque chose encourage beaucoup les bénévoles. Je me souviendrai toujours d’une maman monoparentale qui était visiblement dans le besoin, et qui tenait à nous remettre un sac de pâtes. Ce n’était pas grand-chose, mais nous avons été touchés par son effort et le message qu’elle venait de transmettre à ses enfants.
Impliquez-vous, plusieurs rues ne sont pas desservies par manque de bénévoles, et croyez-moi, c’est une magnifique expérience. Soyez généreux!
Quelques informations:
* On peut y ajouter des trucs de pharmacie, brosses à dent, mouchoirs, jouets… Si vous devez quitter, laissez un sac ou une boîte sur le balcon.
* Vous pouvez donner de l’argent. Une grosse can à l’effigie de la guignolée accompagne généralement les bénévoles.
Tranche d’histoire: Modifiée et adaptée avec le temps, la Guignolée date de plus de 200 ans. Voici un passage d’un article paru dans la Gazette des campagnes, publié à La Pocatière en 1863: »Dans nos campagnes, c’était toujours une quête pour les pauvres qu’on faisait, dans laquelle la pièce de choix était un morceau de l’échine de porc qu’on appelait l’échignée. Les enfants criaient à l’avance en précédant le cortège. On prenait quelques choses, on recevait les dons, dans une poche qu’on allait vider ensuite dans une voiture qui suivait la troupe; puis on s’acheminait vers une autre maison, escortés de tous les enfants et de tous les chiens du voisinage, tant la joie était grande… et générale! »
Bon temps des Fêtes!
1