Chère mémoire,
Ce soir, j’aimerais sincèrement te dire merci. Merci d’être une faculté qui oublie, car grâce à cette facette de ta personnalité, j’ai décidé il y a presque deux ans, d’avoir un deuxième enfant. Merci d’être sélective et de garder toujours dans ma tête les meilleurs moments et de minimiser les plus difficiles. Merci de laisser dans mon tiroir de la mémoire les bruits du rire de mes enfants plutôt que les bruits des pleurs, des NONNNNNNN et des crises dans le stationnement du centre d’achats, ils sont beaucoup plus agréables à entendre quand je ferme les yeux. Par contre, j’aimerais te faire une suggestion : c’est bien beau « laisser juste les souvenirs doux », mais tu devrais peut-être laisser des petits post-it oranges fluos un peu partout dans ma tête pour que je ne reste pas surprise face aux phases du développement plus difficiles. Je savais pourtant que le Terrible Two approchait; il y avait des signes ici et là au quotidien, un peu partout, qui me disaient : « Geneviève, attache ta tuque, il va bientôt venter plus fort » mais je regardais Rémi qui est encore tout petit avec sa petite binette coquine et je me disais que je n’aurais assurément pas à traverser une tempête… Peut-être une petite brise de soir d’automne, mais voyons, cet enfant est tellement « cute ». Surprise! C’est un tsunami qui est entré dans ma maison sans crier gare. En fait, mon fils se transforme un peu en Regan du film L’exorciste lorsque je lui donne une consigne telle que :
- Viens changer ta couche!
- Viens t’habiller!
- C’est l’heure du déjeuner!
- C’est l’heure de partir, vient mettre tes sandales!
- Viens dans la voiture, Rémi!
- On est arrivés à la garderie!
- Maman a les mains pleines; viens, on va marcher…
Il me regarde, me crie NONNNNN !!!!!!, se jette par terre, crie, hurle et donne quelques coups de pieds bien sûr au passage. Plus il y a de spectateurs, plus le spectacle est bon et riche en intensité!
Il y a une façon bien simple d’arrêter cet engrenage : lui donner exactement ce qu’il veut au premier signe, faire quelques singeries pour lui faire oublier, et lui donner des bonbons pour calmer sa peine… facile non?
Par contre, ce que le petit Rémi-Regan ne sait pas encore, c’est que de mon côté, je sais que le Terrible Two n’est pas une maladie incurable, et qu’aucun enfant de deux ans n’est mort en criant après avoir mis ses sandales. Alors « au yâbe les bonbons », parce que ma belle petite mémoire, je vais ressortir de mon cerveau la règle des « cinq C » qui m’avaient été apprises au Cégep dans mes cours d’intervention, et qui m’avaient tant aidés pour mon grand garçon.
Je dois être…
- Constante (garder les mêmes règles en tout temps)
- Cohérente (ne crachez pas parterre si vous avez demandé à votre enfant de ne pas le faire)
- Claire (des consignes adaptées à l’âge de l’enfant)
- Conséquente (ne pas annoncer des conséquences et ne jamais les appliquer)
- Concrète (l’enfant doit comprendre concrètement ce que j’attends de lui)
Pour être sûre que la mémoire de l’amoureux ne lui fasse pas défaut, je pense mettre ces règles sur le frigo pour nous rappeler que c’est en intervenant à la manière « cinq C » en équipe que nous ne ressentirons plus cet effet de volcan prêt à venir en éruption. J’expliquerai ma façon de faire à notre entourage et à ceux qui interviennent auprès de mon enfant (les papis/mamies, les éducatrices etc.). L’important est de travailler en équipe pour ne pas avoir l’impression de ramer seule la barque qui s’agite.
Cette semaine, chère mémoire, je travaillerai fort pour que celle qui vient de passer devienne un vague souvenir. Pas trop vague quand même; je sais que le Terrible Twoest sournois, il va et revient parfois pour tester et re-tester nos limites.
Merci de m’avoir lu…
Geneviève xxx
Deux semaines plus tard…
Je me sentais un peu mal avant de publier mon texte ce soir, car lorsque je l’ai écrit, Rémi était au summum de son Terrible Two et, de mon côté, l’énergie descendait de plus en plus. De m’asseoir et d’écrire ce que je ressentais m’a fait du bien. J’ai vidé mon cerveau de l’émotion que je ressentais, et je me suis sentie d’attaque dès le lendemain matin. Pour moi, l’écriture est un exutoire. Peut-être que le vôtre est le chant, le tennis, la gym, le karaté, la peinture. Quoi qu’il en soit, je vous conseille de vider les trop-pleins d’émotions pour reprendre le contrôle de la situation. Cela nous enlève l’impression de ne plus tourner en rond autour d’un problème mais d’en prendre possession pour mieux passer au travers…
La barque qui tremblait sur les vagues en plein orage s’est transformée en croisière de Disney. Rémi-Regan ressemble plutôt au petit minou de Shrek depuis quelques jours. Nous avons été tenaces. Il y a des soirs où j’étais brûlée (voir éclatée!) de ma journée. Je n’avais pas envie d’intervenir, et je devais me dire « C’est pour ton bien et le sien, Geneviève!!! ». Plus les jours avançaient et plus les résultats apparaissaient. Mes limites étaient claires. La prochaine fois que le Terrible Two reviendra nous faire un coucou, je serai armé avec ma bombe des « cinq C ». Je lui conseille fortement d’avoir pris ses vitamines car je serai d’attaque!
Bonne chance!
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