Vous connaissez les ombres chinoises? Je les adore ! Au Cégep, avec une amie dans le cours d’art dramatique, nous avions décidé de mettre en animation un conte pour enfants sur les fourmis, pour notre travail final de fin d’année. Drap blanc, rétro-projecteur à acétates et cartons à la mains, j’ai découvert l’impact de la lumière sur les objets pour créer des ombres. Les profondeurs devaient être respectées pour créer l’effet désiré… beaucoup plus compliqué que je ne l’imaginais. La fourmis ne devait pas être plus grande que l’arbre sinon l’audience aurait confondu le minuscule insecte à 
Godzilla ! J’ai redécouvert les ombres chinoises lorsque Louka était petit, j’ai beaucoup analysé la lumière de sa chambre pour avoir l’éclairage parfait. Si je mettais la veilleuse trop près du lit, le fond de la chambre devenait très obscur, si c’était trop loin du lit, les ombres devenaient toute très étirées. Comme la fourmi de mon cours d’art dramatique, son petit toutou chien Léo avait soudainement l’air plus gros qu’un cheval.
Vous me trouvez un peu intense d’avoir analysé les ombres ? Sachez que j’ai transmis mon gêne de la trouille du noir à Louka comme on transmet la varicelle à une classe de maternelle. Je sais donc exactement le sentiment qu’un enfant peut ressentir lorsque l’histoire se termine et que maman ferme la lumière pour dire : «Bonne nuit mon chéri». Il n’était donc pas question pour moi de me dire qu’il s’habituerait à la noirceur… J’approche la trentaine (!!!) et j’ouvre encore toutes les lumières du sous-sol pour aller partir une brassée de foncé. Nous avions donc trouvé des petites solutions temporaires pour l’aider qui fonctionnaient quelques jours, mais qui passaient rapidement après une semaine ou deux. Je sais que je suis une maman créative mais après quelques semaines, je commençais à manquer d’originalité et le découragement se faisait sentir.
Louka a reçu, au Noël de ses un an et demi, sa tortue Cloud B. Quelques minutes après l’avoir déballée, nous étions toute la famille dans la salle de bain. Papy Soleil, Mamie Rouge, L’Amoureux, la marraine, le tonton, Louka, sa tortue et moi. Pourquoi cette soirée de Noël dans la salle de bain ? C’est la pièce la plus sombre de la maison quand on y ferme la porte et les lumières. On se serait crus au planétarium (d’accord, j’exagère un peu, mais vraiment à peine) ! Rassurez-vous, nous n’avons pas passé la soirée dans la salle de bain, nous sommes sortis pour préparer le souper mais Lou lui, EST RESTÉ DANS LA SALLE DE BAIN ! J’étais estomaquée, mon fils restait dans le noir la porte plus que fermée. Il nous rappelait de temps en temps mais ce n’était pas parce qu’il était effrayé, c’était simplement parce qu’il voulait nous montrer la beauté des étoiles sur les murs.
Pour nous, c’était comme si quelqu’un avait trouvé une pilule miracle contre la peur du noir. La routine pour le dodo des jours qui ont suivi fut douce et calme à un point tel que j’avais presque peur que ce soit juste passager. Pendant des semaines, c’était toujours la même chose : petite histoire, nous fermions la lumière, bisou mon amour et bonne nuit. Louka allumait sa veilleuse, choisissait la couleur de sa lumière : bleu, verte ou rouge (c’était souvent la verte qui gagnait), nous sortions sur la pointe des pieds avec une face de « ÇA S’PEUT PAS ! « .. La tortue chassait les ombres chinoises qui se dessinaient sur ses murs, elle créait un univers qui lui donnait enfin envie de dormir dans sa belle chambre que nous lui avions préparée avec tant d’amour.
Il s’est mis à la trainer partout, au chalet, chez ses mamies, chez ses cousines. Partout où il allait dormir, il la déposait dans sa valise. Un fois la nuit venue, il retrouvait le même sentiment de sécurité qu’il ressentait dans son lit à la maison.
L’histoire que je vous raconte, s’est déroulée il y a quatre ans. La tortue de Louka est toujours dans 
son lit et parfois, je lui rappelle que quand il était petit, il avait beaucoup peur du noir. Il me trouve très drôle et me demande si je fais des blagues. Si tu savais mon chéri à quel point ce n’était pas siiiiii drôle !
Son petit frère n’a jamais connu ce que c’est encore d’avoir peur du noir car lorsqu’il est arrivé dans nos vies, les gens me demandaient ce que j’avais besoin… Pour moi, c’était simple, je voulais qu’une petite coccinelle étoilée fasse son entrée dans la chambre de bébé Rémi. Pas parce que je manquais d’imagination, juste parce que j’ai réalisé qu’un grand frère ne doit pas toujours partager son petit univers simplement parce qu’il est le plus grand. Il faut dire aussi que moi je n’ai pas oublié toutes ces soirées à créer des stratégies pour chasser ces ombres chinoises. Aujourd’hui, quand j’éteins la lumière, j’ai envie de leur faire un beau pied-de-nez dans la noirceur, comme pour leur dire : NA-na-ni-na-nère c’est moi qui ai gagné-EUH !!!
Genevieve
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